PARUTION
Récits en question : mémoire, identité et transferts
Maria de Jesus Cabral, Hélène Thieulin-Pardo (org.)
Universidade do Porto. Faculdade de Letras.
Introduction
(Maria de Jesus Cabral)
Omniprésent à travers les âges et les civilisations, le récit demeure une forme d’expression incontournable, indissociable de la mémoire collective et individuelle, comme le montre Paul Ricoeur dans son ouvrage fondateur Temps et récit (1983/85). Pour le philosophe, le récit dépasse la simple remémoration d’événements : c’est à travers la « mise en intrigue » que ces fragments du vécu trouvent un sens, une cohérence qui, bien que partielle, permet de rendre l’expérience humaine du temps plus intelligible. Le récit devient alors un mode d’organisation du temps, une manière de rendre perceptible et compréhensible ce qui, sans cela, resterait morcelé et opaque.
Dans Soi-même comme un autre (1990), Ricoeur approfondit cette idée avec le concept d’« identité narrative », selon lequel le récit ne se contente pas de structurer des événements, mais constitue le fondement même de l’identité personnelle. L’individu se forme à travers le récit qu’il élabore de lui-même, et c’est ce processus de mise en intrigue de soi qui permet à l’identité de se configurer et de s’ajuster constamment à travers le temps et les récits. Avec une oeuvre traversée par une réflexion profonde sur le rapport entre récit et réalité, langage et compréhension de soi, Ricoeur nous invite à repenser comment la fiction, et plus largement le récit, constitue un espace privilégié pour saisir et interpréter la condition humaine. Ce dialogue permanent entre récit et expérience montre que les configurations narratives, loin d’être de simples constructions formelles, sont des médiations puissantes qui interrogent et transforment constamment notre manière de percevoir le monde. […]
DOI: https://doi.org/10.21747/978-989-9193-31-4/rec