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Conférence-débat, Olivier Goujat, « Réfléchir l’étranger Le Livre du Trauma ou la question de l’étranger chez Edmond Jabès », Reims, 1er février 2025

CONFÉRENCE-DÉBAT

Centre Antonin Artaud, 40 rue de Talleyrand, Reims

Olivier Goujat, psychanalyste

« Réfléchir l’étranger
Le Livre du Trauma ou la question de l’étranger chez Edmond Jabès »

Samedi 1er février 2025 à 15h30

Discussion : Patrick Chemla, psychiatre et psychanalyste

« – Je vous ai rapporté mes paroles. Je vous ai parlé de la difficulté d’être Juif, qui se confond avec la difficulté d’écrire ; car le judaïsme et l’écriture ne sont qu’une même attente, un même espoir, une même usure. […]
– Tu es le narrateur, Yukel, de livre en livre, de ciel en ciel.
– Je suis l’étranger.
– Yukel, dis-nous l’histoire de l’étranger. »
Edmond Jabès, Le Livre des Questions, p. 136-137

Né au Caire, le 16 avril 1912, dans une famille judéo-espagnole installée depuis des siècles en Egypte, mais contrainte en 1881 de prendre une nationalité d’emprunt italienne, Edmond Jabès devient très tôt un poète de langue française. Les traumas personnels et historiques s’accumulent au cours des ans et l’arrivée de Nasser au pouvoir dépossède sa famille et le pousse à s’exiler en France en 1957. Après la parution d’un recueil de ses poèmes, Je bâtis ma demeure, en 1959, Le Livre des Questions marque une rupture dans sa production littéraire : cet ouvrage ouvre le poème aux dimensions du livre. Un livre-univers en expansion, dont le parcours de ressemblances commence en 1962, pour ne s’achever qu’après la mort de son auteur, avec la parution du Livre de l’Hospitalité, en 1991.

Lucien Mélèse, dans La Psychanalyse au risque de l’épilepsie, circonscrit à partir de cette affection une « lésion ineffaçable », ou plutôt des « histoires de lésions, mensonges, omissions, horreurs surajoutées, compromissions, complicités », dont l’expression est « l’effet-crise » – notion qu’il propose de substituer à celle de « psychosomatique ». Une crise d’asthme violente, avec des conséquences cardiaques graves et durables, affecte Jabès après l’annonce de la mort de son père, resté au Caire, en 1961 ; une crise qu’il évoque dans le sixième Livre des Questions, Aely.

Lire les livres de Jabès, en lisant parallèlement ceux de Lucien Mélèse, ainsi que le Journal clinique de Ferenczi, m’a amené à supposer qu’il existe une littérature à part, pas inaccessible mais séparée, qui pourrait bien former un ensemble textuel informel et marginal ; pas un genre donc ; le plus souvent constituée de poèmes, de fragments, de méditations, d’écrits intimes ou épistolaires et qui prendrait le nom de « littérature critique » ; la nécessité ou « l’exigence d’écrire » (Blanchot) relevant d’une tentative de contenir, après une explosion, un désastre, les éléments épars d’une humanité dévastée par l’« évidence » traumatique et qui, rendue à une errance qu’elle n’a jamais vécue avant le trauma, mais qui cependant la précède, tente, sous la forme d’une auto-guérison, et dans une incondition qui coupe de l’humain en même temps qu’elle le révèle, de naître à partir du traumatisme, en vue de se réunifier et de rejoindre l’autre homme, selon un parcours exilique où l’écrivain renoue avec le nomadisme refoulé – comme « on refoule l’Enfant comme on respire » (Nicolas Abraham). À ce titre, le Livre poursuivi d’Edmond Jabès nous rendrait proche la lointaine question que nous pose l’étranger.

Entrée libre

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