Séminaire A2IL8, année 2023-2024
CRIMEL-CIRLEP
Christine Chollier, Anne-Élisabeth Halpern, Audrey Louyer, Alain Trouvé (org.)
En co-modalité (présentiel et zoom)
Jeudi 17h – 19h
« La personne, le personnage et l’archive à l’épreuve des genres »
19/10/2023 – Anne-Élisabeth Halpern, « L’archive photographique de
Hiroshima : fantasme fictionnel de Fukushima » Salle R418
16/11/2023 – Déborah Lévy-Bertherat, « L’archive, nourriture de l’écriture non-historienne » (à partir de son roman Sur la terre des vivants) Salle R418
14/12/2023 – Alain Trouvé, « De l’archive aux personnages : jeux
d’écriture et de lecture dans Le Quart Livre de François Rabelais » BU Robert de Sorbon
Quels liens entre l’archive et l’imaginaire littéraire, autobiographique, poétique, romanesque, théâtral ou cinématographique ? La poly-référentialité du personnage dans le roman ou le théâtre comme fiction dramatique ne renvoie que très partiellement ou pas du tout à des personnes historiquement attestées ; elle semble se restreindre, s’agissant des êtres de l’autobiographie ou de la poésie lyrique, expressions dans lesquelles la référence aux personnes du monde réel tendrait à devenir dominante, tandis que l’extension du propos à des personnages
issus du répertoire romanesque ou mythologique ne vaut que comme trait métaphorique.
La notion d’archive a surgi durant la journée d’étude du 4 mai dernier qui a clos notre session 2022-2023. Son introduction dans la problématique des projections fictives du sujet humain laisse entrevoir une polysémie intéressante.
On pense d’abord à l’archive au sens sociohistorique de trace écrite validée par les instances légales. La forme canonique est constituée par les documents de l’état civil. A priori, la personne, en tant que sujet social, trouve une forme d’objectivation dans la consultation des archives. S’agissant du personnage, dans la fiction théâtrale ou romanesque comme histoire inventée, il n’y aurait tout simplement pas de référence à ce mode archivé d’existence. Ou seulement, comme dans le roman réaliste, fabrication d’un état-civil fictif.
Mais l’archive telle que la donnent à repenser les travaux de Foucault (L’Archéologie du savoir, 1969) ou de Derrida (Mal d’archive, 1995) est une notion plus complexe. Elle s’applique au document écrit consultable, validé juridiquement par une instance collective, mais aussi à l’idée de trace encore active. La vie psychique du sujet porterait en elle ces traces dont Freud a appréhendé l’idée dans la note parfois controversée sur le « bloc magique » (1925) ou, sous une forme plus large, dans Le Créateur littéraire et la fantaisie (1908). Les rêves nocturnes et diurnes qui nourrissent l’écriture littéraire en seraient une transposition verbale, à décrypter éventuellement. Ce qui vaut pour l’écrit, au sens matériel du terme, étant susceptible de s’étendre à la parole comme acte de langage.
L’archive désigne encore en régime littéraire l’ensemble des textes précédant l’œuvre publiée mais accessibles comme avant-textes (Bellemin-Noël, 1972), à moins qu’elle ne s’applique, de façon plus large et plus incertaine, aux traces mémorisées d’autres textes interférant dans la mémoire de l’auteur, scripteur-lecteur et du lecteur, scripteur potentiel. Elle relève en ce sens de l’intertextualité ou de l’interlecture (Bellemin-Noël, Plaisirs de vampire, 2001).
Les genres littéraires ou artistiques (roman, théâtre, autobiographie, poésie lyrique, cinéma…) explorent la frontière entre personne et personnage, s’attachant à la poser ou à la nier dans les cas d’écritures procédant au brouillage générique. Il s’agirait en ce sens d’étudier les circuits intellectuels périphériques (socio-culturels et institutionnels) qui font pencher la représentation de l’être humain vers un pôle ou vers l’autre. Mais on pourra également se demander si les modalités contemporaines d’archivage des documents ne contribuent pas elles-mêmes au renouvellement des genres