Séminaire Approches Interdisciplinaires et Internationales de la Lecture
(A2IL6) (CRIMEL-CIRLEP, URCA)
« De la personne au personnage : théâtres de la subjectivation et
régimes de fiction » (session 2020-2021)
Jeudi 14 octobre 2021
17-19h
Amphi-Recherche – Bâtiment 13
en co-modalité (présentiel et distanciel)
Alain Trouvé
« Spectre identitaire et régime fictionnel
De Théâtre/Roman (Louis Aragon) à Autobiographie d’un poulpe (Vinciane
Despret) »
Présentation
De Théâtre/Roman (1974) à Autobiographie d’un poulpe (2021), on passe d’un siècle voire d’un millénaire à l’autre, mais on continue à interroger le rapport entre les représentations littéraires de la personne humaine et les deux régimes de fictionnalité distingués à la suite de jacques Rancière : régime fort et différentiel, par l’activation du couple factuel-fictif, régime faible et général selon lequel la fiction serait appropriation poétique de la langue pour dire le réel au plus juste.
Dans le dernier roman d’Aragon, le théâtre se comprend au propre et au figuré. Si les rapports complexes entre auteur, narrateur et personnages relèvent métaphoriquement d’un théâtre intérieur, le choix de placer la trame narrative dans le monde institutionnel du théâtre permet d’exemplifier la question du devenir des textes dans la lecture, à partir d’un cas concret démultipliant les figures de lecteur (du metteur en scène à l’acteur et au spectateur), chacun lisant le texte à partir de sa propre singularité. Théâtre/Roman traite aussi de l’effondrement identitaire et de la faillite des idéaux, sur un mode tragique non dépourvu d’humour, reliant poétiquement le drame personnel de l’auteur à d’autres figures de l’Histoire et de la littérature.
Cette œuvre dont les commentateurs ont surtout souligné le caractère crépusculaire ouvre ainsi sur le nouveau millénaire en cours, marqué par les effondrements multiples et la révision des cadres de pensée qui avaient paru s’imposer jusqu’alors. C’est à ce titre qu’on peut se risquer à l’examen, en contre-point, du livre de Vinciane Despret, fable poético-philosophique, nourrie de références aux sciences de la nature, dans laquelle l’écrivaine-philosophe propose à ses lecteurs la figure divertissante mais en un sens presque crédible, d’un poulpe autobiographe. Jouant à son tour et à sa façon des deux régimes de fictionnalité, avec un accent particulier donné au régime poétique général, Despret déplace l’ancienne critique de l’ethnocentrisme vers celle de l’humanocentrisme.
Et si le rapport entre personne-personnage et régimes de fiction ouvrait finalement sur la question des présupposés anthropologiques de l’idée de fiction ?