Séminaire « La langue du lecteur » (A2IL1)
Jeudi 28 avril 2016 à 17h
Marta Waldegaray (CIRLEP) donnera une conférence intitulée
« La lecture comme expérience d’individuation chez Ernesto Guevara »
Salle R202 (Maison de la recherche, Université de Reims)
La lecture comme expérience d’individuation chez Ernesto Guevara
Marta Inés WALDEGARAY PR espagnol. Domaine: littérature hispano-américine Département de Langues Romanes / UFR Lettres et Sciences Humaines / Bureau: 17-100 Centre de Recherche: CIRLEP (EA 4299)
Dans la jungle (Sierra Maestra-Cuba, Ñancahuazú-Bolivie), dans la situation d’extrême danger qui est celle du combattant, souvent essoufflé par la fatigue physique et son asthme chronique, Ernesto Guevara porte avec lui (sur lui), le poids de sa bibliothèque personnelle. La lecture sustente son action et rend intelligible (significative) son existence. La vie acquiert pour Guevara un sens « lu », un sens qu’il extrait souvent de la fiction. Ses écrits nous permettront de saisir et de comprendre le rôle de la lecture dans cette interaction entre le « souci de soi » (Michel Foucault) et le souci de l’autre (la vie avec et pour les autres).
Il s’agit donc pour nous d’interroger les promesses d’individuation que la lecture littéraire, la littérature et le livre (objet de culte, de croyance, dans la
mesure où –comme le soulignent Gérard Mauger et Claude F. Poliak–, il peut être apprécié comme porteur de réponses toutes faites aux problèmes existentiels) engagent. Aussi examinerons-nous plus précisément de quelle façon un sujet lecteur fait du littéraire une modalité d’existence. Car, en effet, si la volonté de délire invite le lecteur à jalonner son propre parcours (comme le fait remarquer Antoine Compagnon), cet égarement de la pensée a trait à une conception de la Littérature comme discours délirant (au sens psychanalytique du terme), situé au-delà de toute vérité factuelle, pouvant aller jusqu’à l’encontre des évidences. Nous mettrons, ainsi, en évidence les processus par lesquels la Littérature (en tant qu’expérience d’écriture) et la lecture littéraire (en tant qu’expérience de pensée et expérience d’individuation) retrouvent la réalité. Ce fut incontestablement, le cas Guevara, pour lequel un agencement –au sens foucaldien du terme– que nous n’hésiterons pas à qualifier de littéraire a permis l’émergence d’une subjectivité nouvelle, celle de l’homme nouveau. Nous tenterons de cerner la « mentalité narrative » de cet « homme du Livre », que nous qualifierons ainsi conformément à la classification proposée par Régis Debray. Pour ce faire, nous reviendrons sur quelques ouvrages fondamentaux et fondateurs d’un genre, à savoir celui du témoignage guérillero en Amérique latine. Nous nous appuierons, en particulier, sur les documents suivants : Passages de la guerre révolutionnaire (une sélection d’articles écrits entre 1958 et 1961, et publiés en 1963, dans lesquels Guevara revient sur les moments de la guerre qu’il a menée), Journal de Bolivie (rédigé entre 1966 et 1967 sur le terrain des opérations et publié en 1968), des lettres qu’il a écrites, et son célèbre essai « Qu’est-ce qu’un guérillero » (1959).