Parution
Bernard Fauconnier
L’Incendie de la Sainte Victoire
« A la recherche du tableau perdu de Cézanne : de la fiction à la réalité »
En 1995, paraissait un très beau roman (aujourd’hui réédité en poche édition « Motifs »), en lice pour le Goncourt, L’incendie de la Sainte-Victoire, de Bernard Fauconnier. Le « héros » : un tableau fictif de Cézanne, une Sainte-Victoire enflammée, abandonné par le peintre mécontent de son oeuvre. Tableau récupéré par un paysan, puis vendu, perdu, réapparu, acheté par un musicien juif, installé en Provence, ayant fui l’Allemagne nazie. Le tableau disparaît à nouveau, peut-être échangé par le musicien interné au camp des Milles, près d’Aix-en-Provence, contre sa liberté. Un des personnages principaux du roman, Thomas, ayant eu connaissance de ce tableau, entreprend une quête-enquête pour le retrouver, quête en réalité du sens à donner à sa vie. On apprend à la fin du roman que le tableau a été retrouvé dans le coffre d’une banque.
Le roman- et tableau-a ainsi traversé tout le XXe siècle, mêlant petite et grande Histoire, celle-ci constituant un fort ressort romanesque. Fiction et réalité historique sont étroitement imbriquées. Certes, on sait bien que la lecture d’un roman suppose « une suspension consentie de l’incrédulité », comme le dit Coleridge, le lecteur croit à la réalité de ce qu’il lit, oubliant (momentanément) qu’il s’agit d’une fiction.
Et pourtant ! Il arrive que fiction et réalité se rejoignent : en juillet 2018, Philippe Cézanne, arrière-petit-fils du peintre, porte à la connaissance du public, l’existence d’un tableau datant de 1897, Sainte-Victoire vue du Tholonet. Tableau qui connut un périple en certains points comparables à celui imaginé par Bernard Fauconnier. Donné par Cézanne à sa soeur Marie, il est acquis en héritage par le neveu, Paul Junior, exposé en 1936, à New-York, pour les 30 ans de la disparition du peintre, puis accroché en 1939, au Musée des Beaux-Arts de Lyon. Paul Cézanne le récupère en 1940. La guerre est là, le tableau est caché dans la chambre forte d’une banque. Puis il disparaît, comme dans le roman, avant de réapparaître en 2014, dans un appartement de Salzbourg ! La comparaison ne s’arrête pas là… Peut-être a -t-il fait l’objet d’une transaction
avec les nazis pour protéger l’épouse de Jean-Pierre Cézanne, petit-fils du peintre, Marjorie Koppenhague, d’origine juive.
Les frontières entre fiction et réalité se brouillent, mais la preuve est faite –s’il en était besoin – que le roman est bien un extraordinaire instrument d’investigation du réel, un « mensonge qui dit la vérité », en quelque sorte.
MF Boireau
Éditions du Rocher
https://www.editionsdurocher.fr/livre/fiche/l-incendie-de-la-sainte-victoire-9791095071426