Séminaire
« Grandes et petites Mythologies »
CRIMEL-URCA
Aurélien Lorig,
7 mars 2024
17-19h
BU Robert de Sorbon et par zoom
« Relire le projet littéraire de Georges Darien à la lumière de la
grande et de la petite mythologies. Enjeux éthiques et esthétiques »
Dans l’œuvre de Georges Darien, la révolte est une affirmation. À travers elle, l’écrivain adopte une conduite qui consiste à s’opposer à l’ordre établi. Désireux de défendre un idéal faisant écho à l’individualisme libertaire de la fin du XIXe siècle, Darien espère voir triompher un jour un individu libre de ses choix. Que cela soit dans des fictions, dans des poèmes ou dans des pamphlets, l’œuvre de Darien est un cri (« Le roman anarchiste, L’Endehors, 1891) qu’il est intéressant d’appréhender à travers la grande et petite mythologies, lesquelles cohabitent dans les textes de l’auteur. Ainsi, le lecteur découvre-t-il d’un côté la grande mythologie. Antique avec ses monstres (Minotaure, Centaure, Hécatonchires), ses suppliciés (Sisyphe, Prométhée, Atlas) ses divinités (Athéna, Némésis, Hercule, nymphes, etc.) et ses mortels (Ganymède). Biblique avec le Moloch. De l’autre, le lecteur entrevoit la présence de la petite mythologie. Celle des contes et de leurs personnages emblématiques (Le Petit Chaperon rouge, Le Chat botté, Ali-Baba, l’Ogre). Celle des personnages légendaires (Merlin). Toutes ces références dévoilent une nouvelle Mythologie politique. Alors qu’il aurait bien aimé être caricaturiste, Darien met ses personnages à l’épreuve de la mythologie, comme a pu le faire Paul Hadol dans Le Charivari (1871-1872). Le filtre mythologique est au service d’une posture d’auteur. En tant que représentations servant à alimenter un imaginaire social, les mythologies qui nous situent dans un passé plus ou moins lointain sont conçues comme une arme critique à l’usage du temps présent. Le combat engagé par l’homme de lettres de sensibilité anarchiste au tournant du siècle est le combat d’un nouvel Héraclès, lequel porte désormais l’estocade à coup de plumes : « Je continuerai donc à croire que je tuerai des taureaux, comme dit Bergerat dans sa chronique de samedi au Gil Blas, sur l’Initiative. » (Correspondance).
Aurélien Lorig est PRAG à l’université de Reims. Membre du CRIMEL, il s’intéresse à la littérature fin-de-siècle et à ses auteurs contestataires. En 2020, sa thèse est parue sous une forme remaniée aux éditions Brill : Le retentissant destin de Georges Darien à la Belle Époque. Vie et œuvre d’un écrivain réfractaire. Il a récemment participé à un ouvrage collectif paru chez Liverpool University Press en 2022 : « The Anarchist Denunciation of Decadent Colonialism : Georges Darien, Octave Mirbeau and Jules Vallès » dans French Decadence in a Global Context (Julia Hartley, Wanrug Suwanwattana et Jennifer Yee dirs.) Actuellement, il dirige le n°14 de la revue Quêtes littéraire (2024) qui s’intéresse à la révolte romanesque dans le second dix-neuvième siècle. Il codirige avec Edyta Kociubińska (université de Lublin) un ouvrage collectif sur les Manifestations littéraires de la révolte au XIXe siècle à paraître chez Brill en 2025. Il prépare également l’édition d’une pièce inédite de Darien, La Viande à feu (Épure, 2025), qui rassemblera, outre le texte inédit annoté, une série d’études critiques sur le théâtre de Darien et ses enjeux.
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