Hommage
Nous apprenons le décès de Michel Arrivé, professeur émérite à l’Université Paris Ouest Nanterre, spécialiste des sciences du langage, éditeur de Jarry dans la Pléiade et auteur de travaux à la frontière entre les disciplines, menés avec une rigueur qui illustrait dans le meilleur sens du terme la notion d’interdisciplinarité.
L’équipe du Séminaire Approches Interdisciplinaires de la Lecture ressent cette disparition avec tristesse et émotion. À deux reprises, en 2009 et en 2011, Michel Arrivé nous a fait l’honneur de participer à nos travaux qu’il a enrichis de ses réflexions croisant avec bonheur la linguistique, la psychanalyse et la littérature.
Nous avions lu avant de l’inviter pour la première fois sa très remarquable édition de Jarry dans la Pléiade et son ouvrage Le Linguiste et l’inconscient (PUF, 2008), qui aborde avec méthode, clarté et toutes les nuances nécessaires, l’épineuse question de l’articulation entre sciences du langage et psychanalyse. Michel Arrivé est un des très rares universitaires à avoir fait progresser la connaissance de cette articulation, décisive pour toute approche informée et réfléchie de la littérature.
Il nous a fait découvrir notamment les travaux de Saussure sur les légendes germaniques dont il s’est fait l’écho dans son article « Texte, pré-texte et intertexte chez Ferdinand de Saussure » (Approches Interdisciplinaires de la Lecture, n° 5, « Intertexte et arrière-texte », Reims, Epure, 2010). Il a contribué au regain d’attention porté à cet auteur en lui consacrant trois ouvrages : À la recherche de Ferdinand Saussure (PUF, 2007), Du côté de chez Saussure (Lambert-Lucas, 2009) et Saussure retrouvé (Garnier, 2016). Avec le mélange de souplesse et de rigueur qui constitue la signature de ses travaux, il amène dans ce dernier livre à dépasser l’image réductrice d’un Saussure structuraliste, la faisant dialoguer avec un penseur de l’énonciation et du sujet, potentiellement attentif à ce qui constitue le coeur de la relation littéraire. Le pastiche proustien dans les titres de ces livres est peut-être un peu plus qu’un clin d’oeil humoristique. Il signale, nous semble-t-il, le défaut d’une frontière étanche entre la pensée théorique-critique, d’une part, et la pensée artistique et fictionnelle, d’autre part. Franchissant cependant cette frontière, Michel Arrivé a aussi écrit, entre 1977 et 2012, un recueil de nouvelles et sept romans, parmi lesquels Les Remembrances du vieillard idiot (prix du premier roman, Flammarion, 1977).
Nous n’avons pas seulement apprécié l’intellectuel de grande envergure, nous avons été sensibles à sa simplicité, à son sens du dialogue et à son contact chaleureux qui nous a permis de nouer au fil des années une relation d’amitié. Ses avis et remarques nous ont été précieux. Nous devions nous retrouver pour un événement que nous préparons et auquel il avait promis de participer, tout en évoquant quelques soucis de santé auxquels nous ne voulions pas croire.
Nous adressons à son épouse qui a partagé avec nous les discussions et les moments festifs suivant les séminaires, ainsi qu’à toute sa famille, l’expression de nos condoléances et de notre profonde sympathie.
Reims, le 7 avril 2017
Pour l’équipe Approches Interdisciplinaires et Internationales de la Lecture
Alain Trouvé